Agents publics et campagne électorale, liaisons dangereuses…

Quoi de plus naturel, pour l’agent public, titulaire ou non titulaire d’une personne morale de droit public, collaborateur habituel, administratif, technique ou a fortiori politique des élus, de vouloir travailler à la réélection de ces derniers ?

Pourtant, ce que la spontanéité commande, la loi l’encadre et il vaut mieux l’avoir en tête.

L’article L.52-8 du Code électoral dispose :

« Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués (…)

Aucun candidat ne peut recevoir, directement ou indirectement, pour quelque dépense que ce soit, des contributions ou aides matérielles d’un Etat étranger ou d’une personne morale de droit étranger

Or, l’agent public étant rémunéré par la personne publique, sa participation à la campagne électorale d’un candidat peut, dans certaines conditions, s’apparenter à une participation de cette personne morale et à la fourniture par elle de services ou avantages visés à l’article L.52-8 du code.

Le juge des élections vérifie notamment si la participation d’agents publics à une campagne électorale s’est faite pendant leurs heures de services. Il a pu juger que, sous réserve que cette circonstance soit avérée, il n’existe pas de d’entrave à l’article L.52-8 :

« Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que la réponse adressée par le directeur de cabinet du maire sortant, depuis sa messagerie électronique professionnelle, à un électeur qui s’interrogeait, sur un site internet conjointement dédié aux listes conduites par M. A, M. C et Mme Cédrin, sur les conditions de travail de la police municipale, ne peut, eu égard à son contenu, être regardée comme une action de soutien à la liste conduite par M. A ; que si cinq personnes, ayant par ailleurs la qualité d’agent municipal, ont participé à la campagne électorale de M. A, il résulte de l’instruction, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, qu’elles l’ont fait sur leurs périodes de congés ou de récupération ; que, par suite, les griefs tirés de ce que la participation de ces personnes à la campagne électorale de M. A aurait le caractère d’un avantage prohibé par les dispositions précitées de l’article L. 52-8 du code électoral doivent être écartés » (CE, 15 juin 2009, Elections municipales de Vienne, n°321873 V. également Cons. const. 29 janv. 1998, no 97-2251 AN, Rhône, 2e circ.).

En revanche, il a été jugé que :

« le candidat, dont le compte ne retrace aucune dépense de personnel, a bénéficié, entre juin 2001 et avril 2002, du concours d’un agent rémunéré par la commune de Vitrolles ; qu’il ressort des pièces du dossier que la participation effective de cet agent à la campagne électorale de M. Bruno MÉGRET a revêtu un caractère significatif pendant ses heures de service ; (…) qu’il résulte de ce qui précède que le candidat a bénéficié, de la part d’une personne morale autre qu’un parti politique, d’avantages prohibés par l’article L. 52-8 du code électoral ; qu’il s’ensuit que le compte de campagne de M. Bruno MÉGRET doit être rejeté » (Cons. const. 26 sept. 2002, no 2002-113 Election présidentielle de 2002).

Il faut préciser que l’appréciation du juge des élections est différente si l’agent public est lui-même candidat. A ainsi été jugée régulière l’élection législative du chef de cabinet du Président du conseil général :

« Considérant que le requérant soutient que le conseil général du Tarn-et-Garonne a indûment pris en charge les déplacements électoraux de la candidate proclamée élue ; qu’il résulte de l’instruction que les déplacements critiqués ont été accomplis dans le cadre des obligations professionnelles de Mme PINEL en sa qualité de chef de cabinet du président du conseil général (…) L’intéressée, chef de cabinet du président du conseil général, a bénéficié du congé de 20 jours pour participer à la campagne électorale, prévu par l’article L. 3142-56 du code du travail, applicable aux agents non titulaires des collectivités territoriales, et la durée de cette absence a été imputée sur celle des droits à congés payés annuels, comme le permet ce dispositif. Le nombre de jours de congés payés de la candidate n’a donc pas excédé la limite des droits qu’elle avait acquis à la date du premier tour de scrutin » (Cons. const. 17 janv. 2008, no 2007-3747 AN, Tarn-et-Garonne, 2e circ., M. Briat).

La plus grande prudence est donc requise, afin que le travail rémunéré d’un agent public ne profite jamais qu’à la personne publique qui l’emploie et le rémunère, à l’exclusion de toute activité de campagne au bénéfice d’un candidat. En dehors de ses horaires de travail, l’agent demeure libre comme tout citoyen de participer à la campagne du candidat qu’il souhaite soutenir en vue de son élection ou sa réélection.