Le Préfet peut prononcer des interdictions de manifester

Dans le cadre des manifestations contre le projet de Loi El Khomri portant réforme du Code du travail, des heurts violents ont eu lieu en marge de cortèges de manifestations. Dans sa mission de préservation de l’ordre public, le Préfet de police de Paris avait pris, sur le fondement des dispositions de la loi du 3 avril 1955 modifiée relative à l’état d’urgence, un arrêté portant interdiction de séjour de M. R… le mardi 17 mai 2016, entre 11h00 et 20h00, dans certains arrondissements de Paris, au motif que « M. R… a été remarqué à de nombreuses reprises lors de manifestations contre, notamment, les violences policières et le projet de réforme du code du travail ; que ces manifestations ont dégénérés en troubles graves à l’ordre public et notamment de violents affrontements avec les forces de l’ordre ; que des groupes d’individus masqués et portant des casques sont systématiquement à l’origine de ces désordres (…) » fonction-publique-adminis

  1. R. avait saisi le Tribunal administratif de Paris, selon la procédure de référé-liberté, en contestation de cet arrêté au motif notamment qu’il portait atteinte à sa liberté de manifester. Le juge des référés a toutefois rejeté sa requête en retenant :  « Considérant que M. R… qui se borne à faire valoir qu’il n’a pas été interpellé ne conteste pas sérieusement les agissements graves et précis qui lui sont reprochés lors de la manifestation du 30 janvier 2016 au cours de laquelle il a été identifié comme étant un des auteurs de violences volontaires à l’encontre de deux militaires ; que dans ces conditions, en estimant que M. R… cherchait à entraver l’action des pouvoirs publics et en prenant pour ce motif l’arrêté contesté, le préfet de police n’a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale« .

En statuant ainsi, le juge des référés a vérifié que l’interdiction prononcée reposait sur des considérations sérieuses prouvant le comportement violent de l’intéressé et a donc considéré que l’objectif de sécurité publique poursuivi ne portait pas atteinte de manière disproportionnée à la liberté individuelle du requérant (TA Paris, référé, 17 mai 2016, M. R., n°1607416/9).

En revanche, à l’égard d’un autre requérant qui faisait l’objet d’une interdiction analogue, le juge des référés a adopté une solution inverse au motif que : « s’il ressort des pièces du dossier, et notamment de la « note blanche » des services de renseignements, soumises au débat contradictoire, que M. L… a participé à plusieurs manifestations dont deux non déclarées qui ont généré des troubles importants à l’ordre public, le préfet de police ne produit aucun élément permettant de retenir que M. L… a personnellement participé à ces dégradations et violences ; que dans ces conditions, en estimant que M. L… cherchait à entraver l’action des pouvoirs publics et en prenant pour ce motif l’arrêté contesté, le préfet de police a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir et à la liberté de manifestation » (TA Paris, référé, 17 mai 2016, M. L., n°1607412/9).

Ces deux exemples illustrent parfaitement l’appréciation au cas par cas par le juge administratif de la légalité des décisions qui restreignent les libertés individuelles.