La propagande électorale en question (2/2)

C’est l’Assemblée du Conseil d’Etat qui, réunie le 4 juillet 2011 (n°338033), a enfin jugé la protestation électorale qui avait été élevée en raison notamment de la campagne promotionnelle mise en place par la Région Ile de France peu de temps avant les élections de mars 2010. Cette campagne avait consisté à vanter l’action de la collectivité et ses projets dans le domaine des transports, de l’emploi et de la formation. Elle s’était notamment traduite par l’apposition, dans les stations et gares de métro et de RER de la région, d’affiches de quatre mètres sur trois portant le nom et le logo de la seule région d’Ile-de-France qui, pour les unes, sous le titre « La Région fait grandir vos transports » , mentionnaient « Décembre 2009 Lancement du Francilien, votre nouveau train , 2011 Modernisation des RER A et B , 2013 5 nouvelles lignes de tramway » , et, pour les autres, sous le titre « La Région se mobilise pour attirer l’emploi » , affirmaient « La Région soutient la formation, la recherche, l’innovation et la création d’entreprise ou la reprise d’entreprise »

région ile de france logo

Le Conseil d’Etat a jugé que ces opérations d’affichage, qui avaient revêtu un caractère massif, avaient été complétées par la publication d’encarts dans la presse écrite et sur Internet, réalisées pendant la période mentionnée par les dispositions précitées du second alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral avaient eu pour effet non de diffuser de simples informations, mais de valoriser, par des messages à caractère promotionnel, l’action du conseil régional.

Dès lors, elle devaient être regardées comme des campagnes de promotion publicitaire au sens du second alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral, alors même que leur contenu était dépourvu de toute référence aux élections des 14 et 21 mars 2010. Le fait qu’elles aient été précédées de campagnes similaires les années antérieures et qu’elles présentaient ainsi un caractère récurrent n’a pas été jugé suffisant, dans les circonstances de l’espèce, pour les faire échapper à l’interdiction du code, contrairement à ce qui est souvent jugé, « eu égard à la nature et à l’ampleur de ces opérations » répond le juge des élections.

La matérialité de la violation une fois établie, il restait au Conseil d’Etat à déterminer quels effets elle avait eus sur les opérations électorales et les comptes de campagne.

1) Une annulation partielle des élections est prononcée

Le Conseil d’Etat juge d’abord que ces irrégularités n’ont pas été telles qu’elles ont pu entacher la régularité du 1er tour de scrutin et que leurs effets devaient donc être appréciés sur le seul second tour. Il a ensuite été établi qu’il aurait suffi à la liste conduite par Mme Pecresse de recueillir, sur les 3 035 692 suffrages exprimés au second tour, 124 voix supplémentaires au détriment de la liste conduite par M. Huchon pour bénéficier, aux lieu et place de celle-ci, de l’attribution à la plus forte moyenne du deux-cent-neuvième et dernier siège de conseiller régional restant à pourvoir. L’élection du 209ème conseiller régional, appartenant à la liste conduire par M. Huchon, est seule annulée.

2) Les dépenses de campagnes ne devaient pas être remboursées à M. Huchon

Le Conseil a évalué à environ 1,5 millions d’euros le coût de la campagne publicitaire intempestive. Pour autant, elle n’a pas été qualifiée de manquement d’une particulière gravité et n’a pas justifié que M. Huchon soit déclaré inéligible, pas davantage que son élection soit annulée. En revanche, elle était telle que le remboursement de l’Etat à hauteur de 50 % du plafond des dépenses de campagne ne pouvait lui être accordé. Petite nuance : le Conseil d’Etat a déclaré que, dans l’hypothèse fortuite où ces dépenses lui auraient déjà été remboursées, il ne lui appartenait pas d’en ordonner le remboursement.

Peut-être l’Etat utilisera-t-il une autre voie de droit pour demander à ce candidat le remboursement de la somme qui lui a été indûment versée, du fait de cette décision…

Le Conseil d’Etat a ici rendu une décision d’espèce en ce que les faits jugés sont inédits en raison de l’ampleur de la campagne de communication en cause et en ce que l’écart des voix très élevé entre les deux listes au second tour a limité l’annulation à l’élection du dernier siège. Si l’écart des voix avait été très mince, il est probable que l’annulation aurait été totale.

En revanche, il s’agit bien d’une décision de principe en ce que le Conseil d’Etat interprète les dispositions nouvelles de la loi du 14 avril 2011, notamment sur l’inéligibilité et la notion de manquement d’une particulière gravité.