LES AFFICHES DU FRONT NATIONAL FONT DEBAT. Le MRAP a saisi le tribunal de grande instance de Marseille d’une demande de retrait d’affiches représentant la France recouverte d’un drapeau étranger à côté d’une femme voilée. A quoi cela sert-il ?
Le juge civil des référés a le pouvoir de faire cesser des troubles manifestement illicites. Toutefois, il n’est pas juge de l’élection. Par ailleurs, le juge électoral reconnaît constamment que la diffusion des circulaires et des bulletins de vote des candidats à une élection législative constituent des actes préliminaires aux opérations électorales qui ne peuvent être contestées que devant le juge de l’élection. Le Conseil constitutionnel a déjà jugé qu’il n’appartient pas aux juridictions judiciaires d’enjoindre à un candidat de cesser d’utiliser des documents électoraux et, a fortiori, d’ordonner la mise sous séquestre de ses documents de propagande, le privant ainsi de la possibilité de participer utilement au scrutin (Conseil constitutionnel, 22 septembre 1993, Election législative 3ème circonscription de Gironde – Décision N° 93-1248/1339 AN).
Au cas particulier, que s’était-il passé ? M. Verdière, candidat dans la même circonscription que M. Mamère, avait déposé à la préfecture des bulletins de vote en sa faveur portant la mention « Génération verte ». M. Mamère estimant que cette dénomination et le graphisme employés sur lesdits bulletins de vote étaient de nature à entraîner une confusion dans l’esprit des électeurs entre le mouvement « Génération Ecologie », qui lui apportait son soutien, et l’étiquette choisie par M. Verdière, avait saisi en référé le président du tribunal de grande instance de Bordeaux afin d’obtenir le retrait des bulletins de vote litigieux et qu’il soit interdit à M. Verdière d’utiliser sur tout document électoral la mention « Génération verte ». Le président du tribunal avait fait droit à la demande et interdit à M. Verdière d’utiliser la dénomination « Génération verte », enjoint le retrait de tous documents, bulletins de vote ou affiches portant le titre « Génération verte », et ordonné leur mise sous séquestre.
M. Verdière avait donc fait valoir devant le Conseil constitutionnel que cette décision de l’autorité judiciaire, qui n’avait pas compétence pour intervenir dans le déroulement des opérations préliminaires à une élection législative, l’avait privé des suffrages de nombreux électeurs dès lors qu’il n’avait pas eu matériellement le temps de substituer d’autres bulletins à ceux mis sous séquestre et que les électeurs n’avaient donc pas eu accès à ces bulletins dans les bureaux de vote.
Mais le juge de l’élection, s’il excluait la compétence du tribunal de grande instance, ne remettait pour autant en cause les motifs de la décision du juge judiciaire et les faisait siens. Il estimait en l’espèce que l’utilisation de la dénomination « Génération verte » était de nature à susciter la confusion dans l’esprit des électeurs, avec les dénominations « Génération Ecologie » et « Les Verts » déjà utilisées, que ce risque de confusion était encore aggravé par le choix du graphisme employé sur les documents électoraux et que, dès lors, dans les circonstances de l’espèce, l’intervention de l’ordonnance de référé ne pouvait être considérée comme ayant eu pour effet d’altérer la sincérité du scrutin.
Pour en revenir à Marseille, quelle que soit la décision du tribunal de grande instance qui, probablement, se sentira très libre par rapport aux prescriptions du Conseil constitutionnel, c’est de toute façon au Conseil d’Etat, juge des élections régionales, qu’il appartiendra d’apprécier au fond si le contenu des affiches incriminées était irrégulier et si leur retrait ou leur maintien a eu ou non des effets sur le scrutin. La saisine du tribunal de grande instance n’aura finalement servi, même involontairement, qu’à une chose : médiatiser un peu plus leur auteur.