La traditionnelle cérémonie des voeux du maire est scrutée par ses opposants et fait l’objet de toutes les préoccupations de l’intéressé lui-même, tant l’exercice est périlleux lorsque, tous les six ans, il précède le renouvellement général des conseils municipaux, en d’autres termes, les élections municipales du mois de mars.
La régularité juridique de l’exercice s’apprécie notamment au regard des règles régissant le financement des campagnes électorales et en particulier l’article L. 52-8 du Code électoral qui dispose : « Les dons consentis par une personne physique dûment identifiée pour le financement de la campagne d’un ou plusieurs candidats lors des mêmes élections ne peuvent excéder 4 600 euros. Les personnes morales , à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat , ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit , ni en lui fournissant des biens , services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ». Elle s’apprécie également au regard des règles régissant la propagande électorale fixées à l’article L.52-1 qui énonce : « Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s’applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l’organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu’il détient ou qu’il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre. »
La cérémonie des voeux, dont le financement relève de la commune, ne peut donc aucunement avoir une fin électorale. Et pourtant, toute l’action du maire n’a-t-elle pas été menée durant tout le mandat écoulé dans l’intérêt public et donc, plus ou moins indirectement, dans le but de solliciter et d’obtenir à nouveau les suffrages de ses concitoyens ? De la même façon, le discours ne doit pas relever d’une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion de la commune au sens de l’article L.52-1. Ce sont là les difficultés de l’exercice.
Le tribunal administratif de Versailles avait par exemple prononcé, à raison du discours du maire, l’annulation les élections municipales de Montgeron, avant d’être censuré par le Conseil d’Etat qui a jugé : « Considérant qu’il résulte de l’instruction que les propos tenus par M. B à l’occasion du discours de voeux aux habitants de Montgeron qu’il a prononcé le 12 janvier 2008, comportaient, outre les voeux d’usage, des considérations générales sur l’action politique et sur son contexte national et international, à l’exclusion de toute mention de projets ou de réalisations de la commune de Montgeron ou du département de l’Essonne dont M. B est vice-président du conseil général ; qu’ainsi, l’utilisation par le candidat sortant de la tribune et de la salle mises à disposition par la commune à l’occasion des voeux aux habitants ne saurait être regardée comme ayant été faite en méconnaissance des dispositions citées plus haut des articles L. 52-1 et L. 52-8 du code électoral ; que, même si certains des propos tenus M. B pouvaient être interprétés comme mettant en cause implicitement la légitimité de la candidature de M. A, le discours litigieux ne saurait davantage être regardé comme un abus de propagande ni comme une manoeuvre ayant altéré la sincérité du scrutin, eu égard tant aux termes dans lesquels ces propos étaient formulés que de la possibilité que M. A a eue d’y répondre utilement au cours de la campagne électorale ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B est fondé à soutenir que c’est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Versailles s’est fondé, pour annuler les opérations électorales en cause, sur ce que les courriers et l’allocution en litige avaient constitué des manoeuvres de nature à entacher la sincérité du scrutin. » (CE, 27 avril 2009, Elections municipales de Montgeron, n°321830).
Il est vrai que le juge des elections aborde la cérémonie des voeux de manière assez pragmatique et qu’il a adopté, à la suite des municipales de 2008, une jurisprudence qui a eu pour effet de protéger les maires sortants de griefs permettant de mettre trop facilement en péril leur élection.
Il a pu être jugé par exemple que « l’organisation de cérémonies de voeux en début d’année revêt un caractère traditionnel dans la commune de Clamart ; qu’il n’est pas établi ni même allégué que le maire ait utilisé les cérémonies qui se sont déroulées au mois de janvier 2008 pour exposer son programme électoral ou développer une polémique électorale ; que ces cérémonies ne peuvent donc pas être regardées comme ayant constitué une campagne de promotion publicitaire au sens de l’article L. 52-1 du code électoral ; que la publication du discours de voeux du maire dans le bulletin municipal, constante depuis 2003 dans la commune de Clamart, ne peut davantage être regardée comme constitutive d’une campagne de promotion publicitaire au sens de la même disposition ; que, par suite, la prise en charge par la commune du coût de ces opérations de communication institutionnelle n’a pas eu le caractère d’un don prohibé par l’article L. 52-8 du même code » (CE, 3 juin 2009, élections municipales de Clamart, n°322469).
Le Conseil d’Etat a également relevé : « Considérant, en deuxième lieu, que si la cérémonie de voeux offerte le 30 janvier 2008 par le maire de la commune a été plus coûteuse que celles de l’année 2007, il résulte de l’instruction qu’elle a réuni en une réception unique deux cérémonies traditionnelles de voeux organisées par le maire au cours des années précédentes, d’une part, à l’attention des élus et, d’autre part, au profit des agents municipaux dans le cadre des activités du comité des oeuvres sociales ; que ce regroupement à lui seul, bien qu’il ait entraîné des frais de location de salle et de parking supplémentaires, ne peut être regardé comme une manoeuvre de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin » (CE, 17 juin 2009, Elections municipales du Robert, n°322675).
Il a encore été jugé : « Considérant, en deuxième lieu, que la diffusion lors de la cérémonie des voeux du maire, le 25 janvier 2008, d’une brochure où figurait une photographie de la mairie rénovée, à l’occasion de son centenaire, et la mention par le maire, lors de son discours au cours de cette même cérémonie, de sa candidature à l’élection municipale, n’étaient pas à elles seules, et dès lors qu’elles n’étaient pas accompagnées de commentaires destinés à promouvoir la gestion de l’équipe municipale sortante, constitutives d’une violation de l’article L. 52-1 précité » (CE, 19 janvier 2009, Elections municipales d’Escatalens, n°318262).
La relative souplesse du juge de l’élection est une réponse donnée à la très grande prudence des maires sortants dans leur communication para-électorale. Mais elle ne doit pas être interprétée comme un signe de détente permettant que tous les risques soient pris. Il faut rappeler que les écarts de propagande peuvent toujours conduire à l’annulation des élections. Le Conseil d’Etat l’a solennellement rappelé encore récemmennt en Assemblée du contentieux (CE, Ass., 4 juillet 2011, Elections régionales d’Ile de France, n°338033, http://avocats.fr/space/droit-des-elections/content/la-propagande-electo…).