C’est un bras de fer de cinq années qui vient de s’achever par un jugement d’indemnisation, obtenu par un agent de la fonction publique hospitalière, représenté par le Cabinet ADMINIS AVOCATS.
Madame A. est agent des services hospitaliers. Alors que la pathologie dont elle est porteuse l’a éloignée du service en raison d’un congé de longue maladie, se pose la question de son retour au service à l’épuisement de ses droits à congés de longue maladie. Or, sa pathologie a fait naître certaines incompatibilités de son poste de travail avec son état de santé. Elle demande alors à bénéficier d’un aménagement de son poste. Non seulement cet aménagement (bien que très léger) ne lui est pas accordé, mais elle est placée en position de disponibilité d’office pour raisons de santé. Comme aucun aménagement de poste n’avait été consenti, ni aucune recherche de reclassement effectuée, le Tribunal administratif de Paris, par un premier jugement du 27 mars 2014, a annulé cette décision et enjoint à l’établissement de réexaminer la situation de Madame A. (TA Paris, 27 mars 2014, n°1207074 et 1216983/5-2).
L’établissement considérera avoir suffisamment réexaminé la situation de l’agent en prenant une nouvelle décision de maintien de la position de disponibilité pour raisons de santé de Mme A., jusqu’à sa mise à la retraite pour invalidité. Cette décision était certes postérieure au jugement du 27 mars 2014, mais en se fondant sur un avis du comité médical, qui était quant à lui antérieur au jugement et ne pouvait donc en avoir tenu compte. Mme A. a donc été contrainte de contester à nouveau devant le Tribunal administratif de Paris cette nouvelle décision.
Et cette décision a été annulée, malgré les conclusions contraires du Rapporteur public. Le tribunal a retenu, par un deuxième jugement : » Considérant que si le juge de l’excès de pouvoir apprécie la légalité d’une décision au vu de la situation de fait et de droit qui prévalait à la date de cette décision, il peut toutefois prendre en compte des éléments postérieurs à cette décision qui éclairent cette situation (…) d’une part, la première expertise rendue le 15 novembre 2011 par le Dr. L., médecin rhumatologue, concluait à une limitation des capacités physiques de la requérante et préconisait un aménagement de son poste en excluant les déplacements répétés ; que, d’autre part, Mme A. produit un certificat médical en date du 29 septembre 2014 émanant du Dr. G., médecin rhumatologue, et précisant que l’intéressée « n’est pas inapte à tout travail et qu’elle peut tout à fait effectuer un travail administratif sous conditions qu’on ne lui demande pas des déplacements répétés sur son lieu de travail (…) » ; que s’il est constant que ce document a été rédigé postérieurement aux décisions en litige et, par suite, que le comité médical n’a pu prendre connaissance de cet élément avant de rendre son avis, ce certificat médical contredit les conclusions de l’expertise diligentée par l’administration et ne permet pas de s’assurer du caractère définitif de l’inaptitude de Mme A. ; que, dans ces conditions, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requêtes, Mme A. est fondée à demander l’annulation des décisions attaquées du 20 mars 2014 en tant que son inaptitude physique définitive ne pouvait être tenue pour établie à la date de leur édiction » (TA Paris, 8 avril 2015, Mme A., n°1409095 et 1409097/2-2).
En exécution de ce jugement, l’aptitude physique de Mme A. a de nouveau été examinée, plus sérieusement cette fois, et celle-ci non seulement a (enfin !) été déclarée apte au service, mais a été réaffectée sur son poste initial, moyennant l’aménagement de poste qu’elle réclamait depuis quatre ans !
Madame A., compte-tenu de ces illégalités successives, a été illégalement privée de son plein traitement depuis 2011, date à laquelle son employeur aurait dû faire droit à sa demande d’aménagement de poste. C’était l’objet de la dernière instance donc était saisi le tribunal administratif de Paris.
Alors que, de nouveau, le Rapporteur public concluait au rejet de la requête, le tribunal, par un troisième jugement, a fait droit à la demande de la requérante en jugeant : « contrairement à ce que soutient l’administration dans son mémoire en défense, il ressort de ce rapport d’expertise que Mme A. était apte à reprendre son poste de travail tel qu’il est actuellement aménagé dès le 30 juin 2011, date à laquelle l’administration aurait dû l’inviter à présenter une demande de reclassement ; que par suite, l’illégalité des arrêtés du 24 février et du 24 juillet 2012 plaçant Mme A. en disponibilité d’office pour raison de santé, ainsi que ceux du 20 mars 2014, prolongeant sa mise en disponibilité d’office, a été à l’origine de préjudices directs et certains résultant de la perte de rémunération de la requérante et de troubles dans ses conditions d’existence à raison du refus de la réintégrer sur un poste de travail aménagé ; Considérant que, d’une part, il résulte de ce qui précède que Mme A. a été placée, à tort, en disponibilité d’office pour raison de santé à compter du 30 juin 2011 et qu’elle a été privé de traitement jusqu’au 14 septembre 2015, date de sa réintégration ; que l’administration ne saurait faire valoir que Mme A. n’a sollicité la reprise de ses fonctions qu’à compter du 13 mars 2014, dès lors que, comme il vient d’être dit au point 2, le tribunal de céans a, par jugement du 27 mars 2014, annulé les arrêtés du 24 février et du 24 juillet 2012 plaçant Mme A. en disponibilité d’office pour raisons de santé au motif que l’administration a omis d’inviter préalablement la requérante à présenter une demande de reclassement ; qu’au surplus, par courrier 7 octobre 2011, la requérante a demandé à travailler à plein temps, sa demande ayant été rejetée par la directrice du personnel non médical le 25 novembre 2011 ; que, d’autre part, il n’est pas contesté par l’administration qu’à la suite de sa mise en disponibilité, Mme A. est restée sans activité jusqu’à la date de sa réintégration, le 14 septembre 2015, soit durant une période de
50 mois et 14 jours ; que, par suite, au vu du calcul non contesté par l’administration, tel qu’il résulte des éléments chiffrés figurant sur le bulletin de paie du mois de décembre 2009 versé au dossier, d’un montant de 16 126 euros, soit un revenu de 1 343, 83 euros par mois, il sera fait une exacte appréciation du préjudice matériel subi par la requérante du fait de sa mise en disponibilité en condamnant l’administration à lui verser à ce titre une indemnité de 67 818 euros ; Considérant, en second lieu, qu’il résulte de l’instruction que Mme A. a subi un préjudice moral constitutif de troubles dans ses conditions d’existence du fait des fautes commises par l’administration tenant à sa réintégration tardive à temps plein après aménagement, le 14 septembre 2015, sur le poste de travail qu’elle avait occupé jusqu’en 2010 ; qu’il sera fait une juste appréciation de la réparation due de ce chef à la requérante en condamnant l’administration à lui verser une somme de 3 000 euros » (TA Paris, 27 juin 2016, Mme A., n°1409092/2-2)
Madame A. est actuellement en fonctions à temps plein alors que, sans ces décisions, elle serait actuellement à la retraite pour invalidité et bénéficiaire des minima sociaux.
Trois leçons se dégagent de cette « saga juridictionnelle » :
- L’administration commet une erreur lorsqu’elle refuse de laisser travailler un agent qui le demande et qui est apte au service
- Il est inconcevable, au regard de la saine utilisation des deniers publics, que deux agents perçoivent une rémunération pour la même tâche (l’un en étant affecté au poste de Mme A. en son absence et Mme A. elle-même au titre de l’indemnisation de ses préjudices pour avoir été illégalement privée de son poste)
- Il est nécessaire de se rendre systématiquement à l’audience devant le Tribunal administratif et de plaider. C’est la politique du Cabinet ADMINIS AVOCATS. Dans ce dossier, c’est grâce aux observations orales, exactement ciblées et pertinentes, qu’il a été possible de renverser les conclusions du Rapporteur public, qui plus est à deux reprises.