Chacun sait combien obtenir l’annulation d’une élection est difficile. Le juge de l’élection (pour les élections municipales et cantonales, le tribunal administratif en première instance et le Conseil d’Etat statuant comme juge d’appel) est très réticent en effet à remettre en question le résultat issu du suffrage universel, c’est à dire de l’expression du peuple. Nos institutions républicaines puisent leur légitimité dans l’expression de ce suffrage universel et l’autorité juridictionnelle n’a pas vocation à se substituer au peuple, sauf à ériger un gouvernement des juges.
Pour autant, le juge de l’élection assure un contrôle de la régularité du scrutin, non pour vérifier que le peuple a bien ou mal voté, non pour exprimer un jugement de valeur sur la qualité de tel ou tel candidat, de tel ou tel programme, mais pour vérifier que les opérations électorales, selon la manière dont elles se sont déroulées, n’ont pas été de nature à induire les électeurs en erreur ou n’ont pas conduit, par des procédés illégaux ou déloyaux, à tromper les électeurs à tel point que le résultat du scrutin soit susceptible de s’en trouver modifié.
Aussi, à la suite d’élections municipales et cantonales, et notamment de 2008, en première instance ou en appel, certaines opérations électorales ont été annulées. Voici quelques exemples des motifs ayant conduit à ces annulations :
- le référencement commercial d’un site à finalité électorale sur un moteur de recherche sur internet, en violation de l’article L.52-1 du Code électoral (Conseil d’Etat, 13 février 2009, Elections municipales de Fuveau, n°317637) ;
- l’absence de mention du nom des électeurs ayant voté par procuration sur les listes d’émargement alors que le nombre des votes exprimés par procuration dépassait l’écart de voix entre les candidats du 2nd tour (CE, 31 juillet 2009, Election cantonale de Tsangoni, n°322843) ;
- la diffusion d’informations erronées et la reprise par des candidats de ces informations au détriment d’autres candidats (CE, 31 juillet 2009, Election cantonale de Saint-Leu, n°323075 ; CE, 8 juin 2009, Elections municipales d’Aix-en-Provence, n°321974)
- des pressions exercées sur certains électeurs afin qu’ils signent, dans les locaux d’une permanence électorale, des formulaires de procuration comportant par anticipation le nom du mandataire (CE, 29 mai 2009, Elections municipales de Carcassonne, n°321867)
- la modification par un candidat, entre les deux tours de scrutin, de la couleur de ses bulletins de vote, dans le but affirmé, par l’utilisation d’une couleur identique à celle utilisée par un autre candidat, d’inciter les électeurs du second à voter pour le premier à la faveur d’une confusion (CE, 10 avril 2009, Elections municipales dans la section de commune d’Afaahiti, n°318958)
- le fait pour un candidat de figurer simultanément sur deux listes pour la même élection (CE, 8 avril 2009, Elections municipales de Chennevières-sur-Marne, n°321799)
- la soustraction à la vue du public des enveloppes de centaines lors des opérations de dépouillement (CE, 23 février 2009, Elections municipales d’Autretot, n°317651)
- L’introduction d’un élément nouveau de polémique électorale juste avant la fin de la campagne officielle, en privant ainsi les autres candidats de la possibilité d’y répondre (CE, 5 mars 1990, Elections municipales de Dunkerque, n°108939)
Il faut souligner en outre que ces annulations sont intervenues alors même que l’écart des voix au tour de scrutin où l’élection a été acquise était très mince ou que les irrégularités commises avaient un effet mécanique évident sur le résultat.
A la suite des élections municipales de 2014, certaines protestations ont été élevées. Le juge des élections modifiera-t-il sa jurisprudence ? Admettra-t-il de nouveaux griefs ?
La réponse dans quelques semaines ou quelques mois…