L’article L. 7 du code électoral disposait : « Ne doivent pas être inscrites sur la liste électorale, pendant un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive, les personnes condamnées pour l’une des infractions prévues par les articles 432-10 à 432-16, 433-1, 433-2, 433 3 et 433-4 du code pénal ou pour le délit de recel de l’une de ces infractions, défini par les articles 321 1 et 321-2 du code pénal. »
Les délits ou familles de délits visés ici sont les suivants : la concussion, la corruption passive et le trafic d’influence, la prise illégale d’intérêt, l’octroi d’un avantage injustifié (ou délit de favoritisme), le détournement et la soustraction de biens, la corruption active et enfin les menaces et actes d’intimidation.
Toute personne condamnée pénalement pour l’une de ces infractions ou pour le recel de ces infractions se voyait automatiquement déchu de ses droits civiques pendant cinq ans une fois ces peines revêtues de l’autorité définitive de la chose jugée.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, en application de l’article 61-1 de la Constitution et de la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la conformité de cette interdiction à la Constitution.
Les requérants arguaient de ce que ces dispositions portaient atteinte aux principes de la nécessité et de l’individualisation des peines garantis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui énonce : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »
Dans une décision n°2010-6/7 QPC du 11 juin 2010, le Conseil constitutionnel a estimé que le principe d’individualisation des peines qui découle de cet article implique que la peine emportant l’interdiction d’être inscrit sur une liste électorale et l’incapacité d’exercer une fonction publique élective qui en résulte ne puisse être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Dès lors, l’interdiction d’inscription sur la liste électorale imposée par l’article L. 7 du code électoral, qui visait notamment à réprimer plus sévèrement certains faits lorsqu’ils sont commis par des personnes dépositaires de l’autorité publique, privait le juge pénal du pouvoir de la prononcer expressément ou d’en faire varier la durée. Elle devait donc être déclarée contraire à la Constitution.
Cette décision s’inscrit dans la logique d’interdiction des « peines-plancher » déjà posée par une précédente décision (n° 2007-554 DC du 9 août 2007, Loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs). Par ce type de dispositions, le législateur entend se substituer au juge pénal au mépris d’un principe fondemental du droit pénal : l’efficacité des peines, c’est à dire l’adaptation de la peine à la personnalité du prévenu. Cette appréciation doit relever de la responsabilité du seul juge.
Le code électoral regorge de perles de ce genre, de dissymétries entre élections de natures différentes, d’inégalités de recours entre candidats, d’incomplétudes manifestes. La question prioritaire de constitutionnalité semble donc avoir de beaux jours devant elle dans cette matière. Reste à savoir si les protestataires souhaiteront en soulever, cela pouvant se faire au détriment d’une solution rapide à leur litige.