Ce sont les principes qu’a récemment rappelés le Juge des référés du Tribunal administratif de Versailles, avec le concours du Cabinet ADMINIS AVOCATS (TA Versailles, ord. réf., 1er juin 2017, Société X, n°1703304)
Etait en cause l’attribution par une personne publique d’un marché de services à une société dont l’offre présentait un montant « inférieur d’environ 38 % à celle de la société X., classée deuxième, de 56 % à l’estimation du pouvoir adjudicateur et de plus de 60 % à la moyenne de l’ensemble des offres présentées« . A eux seuls, au regard de la jurisprudence du Conseil d’Etat, de tels écarts ne suffisaient pas à emporter la qualification d’offre anormalement basse.
Il s’agissait d’un marché à bons de commande et le pouvoir adjudicateur demandait aux candidats de présenter les prix des différentes prestations attendues dans un bordereau de prix (BP). Il avait par ailleurs élaboré un détail quantitatif estimatif (DQE), sorte de « commande fictive » permettant de classer les offres reçues de la moins chère à la plus chère. Dans ce DQE, censé être représentatif d’un volume de commandes réel, certaines prestations apparaissaient en grand nombre et d’autres en plus petit nombre.
Au vu de ce DQE, la société attributaire avait cru pouvoir, dans son offre, présenter artificiellement des prix unitaires très bas pour certaines prestations demandées en grand nombre, pour majorer les prix unitaires de certaines prestations demandées en plus petit nombre, espérant ainsi obtenir un total de son DQE particulièrement bas et donc avantageux en apparence.
Interrogée par le pouvoir adjudicateur, qui avait quand-même eu une suspicion d’offre anormalement basse, la société avait présenté le détail de ses prix et l’avait alors convaincu du caractère sérieux de son offre.
Mais il ressortait de ses précisions que, au-delà de l’apparence, cette société n’avait pas répercuté tous les coûts d’exploitation auxquels elle devait normalement faire face. C’est ainsi que, sur la requête en référé précontractuel de la Société X, le juge des référés a relevé notamment que :
- le prix de certains matériaux avait été omis ;
- le candidat avait substitué sur certaines lignes une rémunération horaire à une rémunération forfaitaire ;
- le nombre d’heures de pose prévu dans le détail quantitatif estimatif ne représentait que les deux tiers du nombre de déplacements inclus dans le forfait
Ainsi, le juge des référés, en s’appuyant sur la démonstration élaborée pour la Société X., a retenu que certaines prestations avaient été « manifestement sous-évaluées« .
Dès lors, en attribuant le marché à la société présentant une telle offre, le pouvoir adjudicateur avait porté atteinte à la libre concurrence et risqué de compromettre la bonne exécution du marché.
Si la tentation peut être grande de « casser ses prix » pour s’attirer les faveurs des acheteurs publics, il existe une limite à ne pas franchir : celle de l’équilibre économique de la prestation, dont découle le sérieux de l’offre.