Fermeture administrative d’un établissement : la mesure doit tenir compte de la situation économique de l’entreprise, notamment du fait qu’elle était placée en redressement judiciaire

A la suite d’un contrôle sur place des agents de la préfecture de police de Paris, trois personnes en situation irrégulière sur le territoire français ont été identifiées alors qu’elles travaillaient dans un restaurant. Le Préfet de police de Paris a décidé, le 20 octobre 2023, la fermeture administrative de l’établissement, à effet immédiat au jour de la notification de cette décision, qui intervint le jeudi 25 octobre, pour une durée de 25 jours.

Or, la société concernée se trouvait avoir été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris, en date du 27 juillet 2023 et ne pouvait supporter 25 jours de privation de chiffre d’affaires, sauf à être plongée irrémédiablement en liquidation judiciaire.

Elle a donc saisi le cabinet le vendredi 27 octobre, qui a immédiatement préparé une requête en référé-liberté et saisi, le mardi 31 octobre à 13h41, le Tribunal administratif de Paris, procédure dans laquelle le juge des référés doit statuer « dans les 48 heures » (art. L.521-2 du code de justice administrative).

Par une ordonnance rendue le jeudi 2 novembre à 18h06, soit en 52 heures et 25 minutes, et après une audience qui a eu lieu le 2 novembre à 14h30, le juge des référés a suspendu l’exécution de cette décision en estimant notamment que : « il résulte des dispositions précitées du code du travail que la mise en œuvre de la sanction administrative de fermeture d’un établissement qu’elles prévoient est conditionnée par les critères de la répétition des infractions dans le temps ou de la gravité des faits et de la proportion des salariés concernés alors que le préfet doit également prendre en compte la situation économique, sociale et financière de l’entreprise ou de l’établissement concerné. (…) Dans les circonstances particulières de l’espèce, compte tenu, d’un côté, du nombre de salariés concernés par l’infraction et de la gravité de l’infraction reprochée, et, d’un autre côté, de la situation économique et sociale de l’entreprise (…) et de l’obligation pour le préfet de la prendre en compte lorsqu’il envisage une sanction, l’arrêté du 20 octobre 2023, en fixant à 25 jours la durée de la fermeture de l’établissement exploité par la société RAADCO, doit être regardé comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’entreprendre et à la liberté du commerce et de l’industrie qui constituent des libertés fondamentales. »

Dès le 2 novembre au soir, le restaurant a pu préparer sa réouverture et servir ses clients. Nous lui souhaitons bonne chance dans la poursuite du redressement de sa situation, avec l’appui de salariés en parfaite régularité.

On retire deux enseignements de ce « marathon » procédural : d’abord, l’efficacité de la procédure de référé-liberté, en dépit des conditions très restrictives dans lesquelles elle peut être mobilisée et, ensuite, le fait que le « pot de terre » et le « pot de fer » sont deux justiciables à égalité devant le juge administratif, qui statue en droit et peut, comme en l’espèce, sanctionner les illégalités commises par une autorité administrative, fût-elle le Préfet de police de Paris. C’est une illustration simple et concrète de l’Etat de droit.